05/12/2021
L'impossible valorisation de la pension pré
C'est un curieux paradoxe qui fait que la pension au pré est injustement dévaluée par tous les cavaliers même ceux qui la proposent, qui n'osent alors jamais l'augmenter à un prix qui leur permettrait d'en vivre.
Pourtant la pension au pré est objectivement celle qui permet le meilleur cadre de vie à l'immense majorité des chevaux, et aussi demande le plus de travail à l'hébergeur.
Elle demande un investissement fou, au départ et au quotidien, en temps, en énergie, en santé, et en argent. De sorte qu'elle doit rogner sur la qualité, notemment en entassant les chevaux, pour réussir à s'en sortir... Ou bien accepter d'être déficitaire.
Entendons nous bien: une pension pré ne demande pas forcément plus de travail qu'une pension boxe, mais au moins autant ! La différence, c'est que pour le même nombre d'heures de travail, elle rapporte deux à trois fois moins.
Pour ce qui est des pensions au pré avec installation, elles sont rares, et pour cause: il est quasiment impossible de rentabiliser des installations en n'encaissant que des pensions au pré.
Mais alors, pourquoi ce qui est le mieux pour les chevaux, et aussi le plus difficile à tenir, est ce qui coûte le moins cher ?
On n'entend jamais un cavalier dire "non mais je vais pas payer 400€ par moi pour un simple boxe, alors que mon cheval serait mieux au pré".
Et à l'inverse, même ceux qui sont convaincus de l'absolue nécessité pour un cheval de vivre dehors en permanence ne s'imagineraient pas payer pour cela le prix du haut de gamme.
Et justifier le bas prix des pensions prés par leur prétendue mauvaise qualité généralisée est un argument de mauvaise fois: non seulement ceux qui le soutiennent ne seraient pas d'accord pour payer le prix du boxe, même pour du pré haut de gamme... Mais en plus, une mauvaise pension boxe coûte toujours plus cher qu'une mauvaise pension pré !
Et pourtant les mauvais logeurs au boxe sont aussi pleins que les bons, preuve que ce n'est pas la qualité de l'un ou de l'autre qui motive le choix de la gamme de prix.
Le problème serait-donc de l'ordre de la perception ? Puisqu'il est unanimement accepté que la pension au boxe coûte plus cher, c'est bien parce qu'on reconnaît, quelquepart, qu'elle est à la première place du classement de choix de pension.
Ce sont en fait les infrastructures que l'on paye au boxe: écurie, installations à vocation équestre, aires de soin, proximité de tous ces centres d'intérêt les uns par rapport aux autre...
Et donc, au boxe, on paye l'investissement de l'hébergeur.
On paie en fait sa tranquillité...son confort.
Quoiqu'on veuille bien en penser, la pension en écurie est d'abord une pension pour les cavaliers.
C'est alors que l'on voit emmerger de nouveaux modes d'hébergements alternatifs, tels que les écuries actives et assimilés, qui réussissent le tour de force de promettre du bien être aux chevaux, tout en s'imposant sur une fourchette assez haute de prix.
Ces écuries permettent de séduire des cavaliers jusqu'alors habitués aux gros loyers mensuels, et ne s'adressent en fait que peu aux habitués des patures, qui ne peuvent pas forcément s'aligner.
C'est une évolution radicale je trouve, qui peu a peu, réussit à rendre les boxes désuets.
Par cette articulation entre les pensions d'hier (au boxe) et celles au pré, on arrivera peut être à considérer la pension dehors comme celle de demain... LE nouveau hype équestre sera peu être de dire que son cheval vit dehors, alors que les cavaliers propriétaires de chevaux en boxe seront regardés comme des bouseux sans ambition 😁
On peut l'imaginer, demain, on entendra dans les pensions "qu'on voudrait bien se payer une pension pré, mais qu'on n'a pas les moyens, alors qu'on se contente d'un boxe"...
Ou encore, une inversion entre les chevaux de sport, auxquels on réserverait le bien être (en vue de performance), et ceux de loisir, qui pourraient se contenter des 9m2, puisque n'ayant pas besoin (de l'avis général en tous cas) d'être trop chouchoutés 😅
Dans ce monde meilleur, les hebergeurs de pré seraient enfin justement rettribués de leurs efforts, et tout un chacun se rendrait compte que l'investissement de départ n'est pas forcément moindre.
Le bien être ne serait plus une économie, mais bien un choix militant, que les cavaliers ambitieux revandiqueraient comme l'inévitable hébergement pour leurs chevaux de si grande valeur.
On verrait aussi sûrement relever le niveau de qualité des pensions au pré, qui pour le moment, ont tendance à s'auto entraîner vers le bas, puisque ne recevant pas des loyers suffisants pour proposer des infrastructures propres et solides, en plus de tout le travail qu'elles nécessitent.
Et, soyons fous, on traiterait même les hébergeurs de boxes de feneants, de parvenus, de profiteurs... 😅
Comme on peut l'entendre aujourd'hui pour les hebergeurs de pré.
Entendons nous bien ! Je ne dis pas qu'avoir des chevaux en boxe est un travail de fénéant ! Seulement, il est bien mieux rentabilisé en ratio que le travail de gestion des parcs.
Il va de soit que je ne souhaite pas non plus dans le futur un renversement de situation qui verrait les hébergeurs de boxe tyrannisés, comme pour une vengeance de cette inagalité présente, juste une reconnaissance et une valorisation du travail de prairie, qui est si invisibilisé.
Car aujourd'hui, il est quasiment impossible de valoriser en revenu le travail d'une pension intégralement au pré, tant il paraît naturel de payer peu, alors que cela représente des investissements et des efforts colossaux à qui veut le faire correctement.